Attentat au Sinaï : quels enjeux politiques et religieux ?
Le vendredi 24 novembre 2017, des terroristes ont attaqué une mosquée située dans la région du Sinaï en Égypte. L’attaque a fait plus de 300 morts et 128 blessés. C’est l’attaque la plus meurtrière de l’histoire récente de l’Égypte.
L’événement tragique s’est passé durant la traditionnelle prière du vendredi, à la mosquée Al Rawdah dans le Nord-Sinaï. Des hommes armés ont encerclé la mosquée avec leurs véhicules. Ensuite, ils ont posé une bombe à l’extérieur de la mosquée. Après l’explosion, ils ont profité de la panique générale pour ouvrir le feu sur les fidèles. Ils ont aussi mis le feu à leurs véhicules afin de bloquer la sortie. Le bilan de l’attentat s’élève à 305 morts dont 27 enfants.
Attentat dans une mosquée Soufie
L’attaque a ciblé une mosquée fréquentée par des adeptes soufis. Le soufisme est un courant qui prône un Islam spirituel et se caractérise par son mysticisme. Le but ultime d’un croyant soufi est d’atteindre un état de pureté qui témoignerait de la présence de Dieu dans son cœur. Il est constamment à la recherche de l’amour de Dieu et de la sagesse. Les pratiques soufies sont marquées par une place importante occupée par les chants religieux et autres danses célébrant l’amour du divin. Les Soufis sont considérés comme des hérétiques par les courants les plus radicaux de l’Islam, qui les accusent de polythéisme à cause de leurs hommages rendus aux saints – dont les tombeaux sont considérés par les Soufis comme des lieux de culte. Selon un témoin de l’AFP, des djihadistes étaient venus à la mosquée un mois auparavant pour prévenir le Muezzin qu’il ne fallait pas célébrer le Mouled, fête qui commémore la naissance du prophète, et qui est considérée par les courants salafistes comme une « innovation » en Islam, et donc un péché. L’attaque n’a toujours pas été revendiquée, néanmoins, les Soufis sont une cible privilégiée de l’État islamique qui a déjà perpétré des attaques contre des adeptes de ce courant, notamment au Pakistan.
Une région très instable
Ce n’est pas la première fois qu’un attentat est perpétré dans le Sinaï. Cette région est en effet source de conflits depuis des années, et pour cause, son emplacement est stratégique, à la frontière d’Israël et de la bande de Gaza. Depuis les années 2000, on a vu se développer dans cette péninsule plusieurs groupes terroristes, à l’instar du groupe Ansar Baït Al-Maqdis (Les Partisans de Jérusalem) qui prête allégeance à l’Etat Islamique en 2014. Leur but est depuis d’instaurer le califat dans la péninsule. Ce groupe dont le nom s’est transformé en Wilayat Sinaï (La Province du Sinaï) est désormais considéré comme l’une des branches les plus actives de l’État islamique en dehors de l’Irak et de la Syrie.
Un énième coup dur pour Al-Sissi
Cette attaque représente à ce jour l’attentat le plus meurtrier de l’histoire récente de l’Égypte. Néanmoins, depuis l’arrivée d’Al-Sissi au pouvoir après le coup d’État de juillet 2013, les attaques terroristes sur le sol égyptien se sont multipliées. On se rappelle de la bombe placée à bord du vol 9268 Metrojet à destination de Saint-Pétersbourg, lorsque l’avion se crasha dans la péninsule du Sinaï faisant ainsi 224 morts en octobre 2015, ou encore des nombreux attentats visant les coptes revendiqués par l’État islamique, notamment celui d’avril 2017 qui fit 45 morts et 136 blessés. Le président égyptien a promis de répondre avec « force brutale » à cette attaque. « Les forces armées et la police vengeront nos martyrs » a-t-il affirmé. Onze terroristes on été tués lors d’un raid lancé par les forces de sécurité égyptiennes mardi 28 novembre. Mais cet attentat intervient à un moment critique pour le maréchal Al-Sissi qui, à quelques mois des élections voit sa popularité en chute libre au vu de la situation économique et sécuritaire difficile en Égypte.